Les Fourberies de Scapin, Molière, 1671 - Acte III, scène 2

Les Fourberies de Scapin est une œuvre tardive dans la production de Molière et survient après ses pièces désignées comme ses « grandes comédies »Tartuffe, Dom Juan. Il s'agit d'une œuvre somme de Molière empruntant au meilleur de la commedia dell'arte1. Dans la scène dont est tiré cet extrait, Scapin cherche à se venger de Géronte, le père de son maître Léandre. Pour ce faire, il prétend que des mercenaires sont à sa recherche ; pour le « protéger du danger », il enferme Géronte dans un sac et, tout en prétendant le défendre, en profite pour le rosser

SCAPIN, lui remet la tête dans le sac.
Prenez garde, en voici un autre qui a la mine d'un étranger.
(Cet endroit est de même que celui du Gascon pour le changement de langage et le jeu de théâtre.)
« Parti, moi courir comme une Basque, et moi ne pouvre point troufair de tout le jour sti tiable de Gironte. »
(À Géronte, avec sa voix ordinaire.)
Cachez-vous bien.
« Dites-moi un peu, fous, Monsir l'homme, s'il ve plaît, fous savoir point où l'est sti Gironte que moi cherchair ? — Non, Monsieur, je ne sais point où est Géronte. — Dites-moi-le, fous, frenchemente, moi li fouloir pas grande chose à lui. L'est seulemente pour le donnair une petite régal sur le dos d'une douzaine de coups de bâtonne, et de trois ou quatre petites coups d'épée au trafers de son poitrine. — Je vous assure, Monsieur, que je ne sais pas où il est. — Il me semble que j'y fois remuair quelque chose dans sti sac. — Pardonnez-moi, Monsieur. — Li est assurément quelque histoire là-tetans. — Point du tout, Monsieur. — Moi l'avoir enfie de tonner ain coup d'épée dans sti sac. — Ah ! Monsieur, gardez-vous-en bien. — Montre-le-moi un peu, fous, ce que c'être là. — Tout beau ! Monsieur. — Quement ? tout beau ? — Vous n'avez que faire de vouloir voir ce que je porte. — Et moi, je le fouloir foir, moi. — Vous ne le verrez point. — Ah ! que de badinemente ! — Ce ne sont que des hardes qui m'appartiennent. — Montre-moi fous, te dis-je. — Je n'en ferai rien. — Toi ne faire rien ? — Non. — Moi pailler de ste bâtonne dessus les épaules de toi. — Je me moque de cela. — Ah ! toi faire le trôle ! (Donnant des coups de bâton sur le sac et criant comme s'il les recevait.) — Ahi ! ahi ! ahi ! Ah ! Monsieur, ah ! ah ! ah ! — Jusqu'au refoir. L'être là un petit leçon pour li apprendre à toi à parlair insolentemente. » — Ah ! Peste soit du baragouineux ! Ah !

GÉRONTE, sortant la tête du sac.
Ah ! je suis roué.

 SCAPIN
Ah ! je suis mort.

GÉRONTE
Pourquoi diantre faut-il qu'ils frappent sur mon dos ?

SCAPIN, lui remettant la tête dans le sac.

Prenez garde, voici une demi-douzaine de soldats tout ensemble.

(Il contrefait plusieurs personnes ensemble.)


Molière, Les Fourberies de Scapin, 1671, acte III, scène 2

1. Commedia dell'arte : genre de théâtre populaire italien caractérisé par des improvisations et un humour relevant de la farce.

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